L’anamorphose questionne sur la position de l’observant sur une œuvre. Questionne sur notre mode de perception dans l’espace et par là même interroge l’espace. C’est pour nous une technique intéressante pour évoquer un espace conceptuel, symbolique. La représentation que ce fait l’observant dépasse le simple niveau perceptif et amène une dimension intellectuelle.

L’anamorphose est une dérive de la perspective, une déformation réversible d’une image à l’aide d’un système optique tel qu’un miroir courbe ou qu’un procédé mathématique. Pour sa réalisation, une image est projetée par une source lumineuse dans l’espace. Cette projection investira alors l’espace donné selon les règles physiques propres à la lumière, donnant à lire son image au seul point d’où elle est projetée. Une vision décalée donne à voir des fragments d’images déformés sans relations apparentes.

L’intérêt de cette technique n’est pas vraiment la représentation qu’elle permet de générer, mais l’interaction et le questionnement qu’elle amène sur un espace architectural. En effet, le support est ici l’architecture. Il faut déambuler, observer et questionner l’espace perçu pour trouver le point de vue que veut nous montrer l’artiste. C’est pour nous une technique intéressante, donnant à vivre l’espace architecturé de manière ludique.

L’anamorphose investit l’espace et se déforme géométriquement pour ne révéler son image qu’au seul point de vue choisi par l’artiste. Il nous plait de la voir comme un « parasite révélateur d’espace », aussi elle nous rappelle, ou exacerbe, la notion de tableau architectural propre à une architecture classique de la renaissance, voire pittoresque.

Moins un outil de représentation qu’un outil artistique destiné à exacerber un point de vue, la technique de l’anamorphose s’applique plus à un ouvrage construit. Cependant, en application sur la représentation architecturale par l’image, le style de rendu propre à l’anamorphose permet de révéler des détails à la manière de représentations écorchées ou explosées, mais présentant une intégration graphique plus subtile (photographie de gauche).

Nous citerons ici Jurgis Baltrusaitis dans son ouvrage Anamorphose (1955) :

« Ce procédé est établi comme une curiosité technique, mais il contient une poétique de l’abstraction, un mécanisme puissant de l’illusion optique et une philosophie de la réalité factice. »