Au Sujet de l’Espace
« Qualité,
lumière,
couleur,
profondeur,
qui sont là-bas devant nous,
n’y sont que parce qu’elles
éveillent un écho
dans notre corps,
parce qu’il
leur fait accueil. »
Le sujet de l’espace étant vaste nous trouvons autant de définitions qu’il existe de domaines de recherches s’y intéressant. Nous tentons alors de nous faire notre propre interprétation avec nos sensibilités et préoccupations d’architectes.
Sans encore chercher à définir l’espace architectural auquel nous nous intéressons, nous nous rendons compte que la notion d’espace est un concept vaste que les différentes sciences ont toujours tenté de définir.
La question de l’interprétation de notre perception visuelle ainsi que notre conception même de l’espace n’est pas totalement étrangère à nos intérêts d’architectes. Nous y trouvons l’occasion de faire une entrée en matière de nature phénoménologique.
Ceci nous permet d’aborder la notion selon laquelle l’espace est une représentation de l’esprit humain sujet à différentes interprétations. Une quatrième dimension apparaît, celle de la profondeur existentielle.
« L’espace est l’ordre des coexistences »
Dans un premier temps, nous rencontrons le concept énoncé par le philosophe allemand Leibniz selon lequel « L’espace est un ordre de coexistences ». Selon cette pensée, nous comprenons que l’espace est relatif, c’est-à-dire qu’il est issu des relations qu’entretiennent des corps entre eux et n’existe pas en l’absence de ces relations.
Dans le même cadre théorique, Lévy et Lussault y incorporeront l’idée de distance sociétale.
Ces relations naissant dans l’esprit humain sont l’expression de concepts liants l’observant à l’observé
« Analyser pleinement la distance et les jeux des opérateurs avec elle consiste à aborder l’espace comme l’ensemble des relations spatiales, sous leurs formes matérielles, immatérielles et idéelles, établies par une société en un temps donné entre tous les objets sociétaux distincts. »

Notre proposition de définition graphique de l’espace perçu met en relation les informations supra-sensorielles que peuvent nous fournir des outils d’analyses complexes (tels que des capteurs électroniques) et la notion supra-conceptuelle de l’espace que l’Homme se représente de manière purement intellectuelle.
Au carrefour de cette objectivité supra-sensoriel et de la subjectivité supra-conceptuelle se situe alors l’espace tel que perçu par l’Homme et qu’il peut expérimenter. Il s’agit d’une complémentarité d’informations que lui transmettent ses capteurs sensoriels et de ses capacités de les interpréter au travers de filtres référentiels d’espaces connus. De cette manière, ces informations permettent à l’humain d’appréhender individuellement chaque nouvel espace.
« L’espace architectural
naît de la relation
entre les objets ou entre des bornes
et des plans
qui n’ont pas eux-mêmes le caractère d’objet,
mais qui définissent des limites.
Ces limites
peuvent être plus ou moins explicites,
constituer des surfaces continues
formant une frontière sans interruption,
ou, au contraire,
constituer uniquement quelques repères
(par exemple quatre colonnes)
entre lesquels l’observateur établit des relations
lui permettant d’interpréter
une limite virtuelle. »
D’un point de vue architectural, cette mise en relation nécessaire à la définition d’espace est certainement le fruit d’une analyse humaine liée à sa perception (spatiale). De cette manière, nous énonçons que l’espace architectural est un système de relations entre l’observant (l’utilisateur) et l’observé (l’ouvrage construit). L’espace n’est pas une réalité, mais « le rapport de la personne à la forme ».
Ainsi, si l’espace architectural est le rapport de la personne à la forme, nous pouvons faire une différenciation importante des interprétations liées à l’espace que sont le sensoriel, le perceptif et le symbolique.

L’espace sensoriel
C’est l’espace perçu par les sens, de manière brute et non consciente à des degrés différents selon les individus.
L’espace perceptif
C’est l’espace sensoriel tel qu’interprété par notre conscient, variant selon notre vécu et notre humeur. C’est la croisée de l’espace supra-sensoriel et l’espace supra-conceptuel tel que nous le vivons à chaque instant.
L’espace symbolique
C’est l’émergence d’une représentation mentale impliquant le classement d’objets possédant les mêmes caractéristiques et auxquels peut renvoyer un concept. Nous mettons en résonnance nos souvenirs et les deux types d’espaces précédants. C’est ainsi que nous commençons à donner des significations aux évocations suscitées en nous.